Un employé d’entrepôt sourd aux États-Unis accuse Amazon, le plus grand distributeur en ligne du monde, de ne pas lui avoir permis de communiquer de manière adéquate sur son lieu de travail. Il a déposé une plainte, affirmant qu’il n’a jamais obtenu d’interprète en langue des signes américaine (ASL), malgré ses nombreuses demandes – et qu’il a ensuite été licencié sans justification claire. La plainte a été déposée le 28 octobre 2024 devant un tribunal fédéral de Californie. Il y est question de discrimination liée à son handicap et à son âge.
Que s’est-il passé ? – Les accusations en détail
L’homme sourd, âgé de plus de 60 ans, travaillait dans un entrepôt Amazon à Stockton, en Californie. Selon la plainte, il a demandé à plusieurs reprises un interprète en langue des signes américaine (ASL) pour participer aux réunions du personnel, aux formations et à la communication quotidienne au travail. Amazon aurait ignoré ces demandes. À la place, il a été contraint de s’appuyer sur un collègue malentendant, qui n’était pas qualifié pour interpréter.
L’employé rapporte également qu’un collègue aurait fait des remarques discriminatoires liées à l’âge, lui disant qu’il était « trop vieux » et qu’il devait « attendre, être patient et d’abord apprendre ». Il a signalé ces propos aux ressources humaines et à son superviseur, mais aucune mesure n’aurait été prise.
Peu de temps après, l’homme a été licencié sans explication claire. Ce n’est que plus tard, en consultant des documents transmis à la Commission pour l’égalité des chances en matière d’emploi (EEOC), qu’il a appris que le motif invoqué par Amazon était une violation supposée du code de conduite. Cette accusation repose sur des rumeurs infondées, selon lesquelles il aurait menacé et agressé physiquement un collègue. Il dément fermement ces accusations.
Autre élément problématique : lors d’une réunion avec Amazon concernant sa suspension et son licenciement, un interprète vidéo à distance a été utilisé. Mais pendant que les représentants d’Amazon parlaient à l’interprète, celui-ci a cessé d’interpréter pour l’employé sourd. Il a eu l’impression que les informations étaient volontairement retenues. De plus, Amazon n’a jamais organisé un entretien personnel avec un interprète pour lui expliquer les raisons de son licenciement, selon la plainte.
Situation juridique et exemples similaires
Le plaignant se base sur deux lois importantes :
- ADA (Americans with Disabilities Act) : Cette loi impose aux employeurs de proposer des aménagements raisonnables aux personnes handicapées, comme un interprète en langue des signes, sauf si cela représente une contrainte excessive (« undue hardship »).
- ADEA (Age Discrimination in Employment Act) : Cette loi protège les travailleurs âgés contre toute forme de discrimination.
La Commission EEOC (équivalent américain du Défenseur des droits) a déjà soutenu d’autres affaires similaires :
- Walmart : Deux employés sourds dans un magasin au Kansas n’ont pas reçu d’interprètes ASL lors des formations de sécurité et des sessions d’intégration. Walmart a invoqué des raisons de coût. L’EEOC a intenté un procès.
- Didlake (entreprise de nettoyage) : Cette entreprise a dû verser plus de 1 million de dollars, entre autres pour ne pas avoir fourni d’interprètes aux agents d’entretien sourds lors de formations, de réunions de sécurité ou d’entretiens avec la direction.
Dans ces deux cas, les employés devaient compter sur des collègues ou des superviseurs non qualifiés, ce que l’EEOC a estimé insuffisant pour répondre aux obligations de l’ADA. Fournir uniquement des documents écrits ne suffit pas, car ils peuvent être difficiles à comprendre ou incomplets.
Autre point important : même si un salarié sourd peut lire sur les lèvres, cela ne remplace pas un interprète, notamment lors de réunions de groupe où plusieurs personnes parlent ou sont hors de son champ de vision. Selon l’EEOC, un interprète certifié en langue des signes doit être prévu dans ce genre de situation.
L’EEOC souligne également que l’utilisation de la communication écrite comme alternative peut poser problème. Dans le cas de Walmart, l’un des employés n’a pas compris un avertissement écrit, mal rédigé, et n’a donc pas su comment éviter des sanctions futures. Dans le cas de Didlake, les documents écrits n’ont pas reflété fidèlement ce qui avait été dit oralement lors des réunions.
Conclusion
L’affaire de cet employé sourd chez Amazon montre clairement que même des entreprises géantes peuvent manquer à leurs obligations légales en matière d’accessibilité. Cette plainte souligne l’importance d’une chose simple mais essentielle : les personnes sourdes ont besoin d’interprètes qualifiés, pas de solutions improvisées. Confier cette tâche à des personnes non formées, refuser la communication claire et ignorer les demandes répétées conduit à l’exclusion et à la discrimination.
Amazon n’a pour l’instant pas réagi publiquement à ces accusations. Le jugement reste en attente, mais cette affaire relance le débat sur la justice, l’inclusion et le droit à une participation équitable pour les personnes sourdes et handicapées. Pour beaucoup, ce cas est un exemple important de résistance face à l’injustice.

